Infrarouge : Les 10 contre-vérités des partisans de l'initiative de résiliation
Fact-check: Débat d'Infrarouge (RTS) du 9 septembre sur l'initiative de résiliation
Depuis le début de la campagne, l’UDC peine à expliquer en quoi la résiliation de la libre circulation des personnes et des accords bilatéraux améliorerait la situation de la Suisse. Céline Amaudruz l’a clairement admis dans Infrarouge : en cas d’acceptation de l’initiative, la Suisse traversera une période de fortes turbulences. Cette affirmation a le mérite de l’honnêteté ! Ce n’est par contre pas le cas des nombreuse contre-vérités prononcées dans l’émission. En voici les 10 plus grosses que nous avons relevées et corrigées.
L'émission peut être revue sur le site de la RTS. Partagez ce fact-check et contribuez ainsi à diffuser des faits plutôt que des mythes !
La libre circulation, on peut la renégocier.
FAUX: La libre circulation des personnes est une liberté fondamentale du marché intérieur européen. Ce principe ne peut pas être renégocié - tout au plus son application.
La Suisse a d’ailleurs déjà essayé de renégocier. En 2014, suite à l’acceptation de l’initiative contre “l’immigration de masse”, elle a envoyé une demande formelle de renégociation à l’UE. Mais cette dernière a refusé d’entrer en matière.
Pourquoi la Suisse réussirait aujourd’hui à renégocier en 1 an ce qu’elle a échoué à faire en 3 ans ?
On a un vrai problème de dumping salarial en Suisse. Le PIB par habitant a diminué et les salaires des Suisses ont stagné pour ne pas dire diminué.
FAUX: Le marché du travail est observé de près depuis l’entrée en vigueur de la libre circulation des personnes (LCP). De nombreuses études ont été menées et toutes aboutissent à la même conclusion : il n’y a pas eu de problèmes de dumping salarial.
Le PIB par habitant a connu une très forte croissance après l’introduction de la LCP en 2002. Depuis, il n’a diminué qu’en 2009, suite à la crise financière, avant de repartir à la hausse. Les salaires réels ont eux aussi connu une forte croissance suite à l’introduction de la LCP.
On se bat pour rendre le pouvoir d’achat. Et ce n’est qu’en maîtrisant l’immigration que l’on pourra le faire.
Pour garantir le pouvoir d’achat, il faut une économie forte. La libre circulation des personnes et l’accès au marché européen renforcent l’économie suisse - en la rendant plus compétitive et plus dynamique.
De très nombreuses études montrent que les salaires n’ont pas été affectés négativement par la libre circulation des personnes, bien au contraire. C’est aussi vrai pour les régions frontalières dont on dit qu’elles sont davantages victimes de sous-enchère salariale. Voir par exemple la dernière étude de l’EPFZ (2020), publiée par la “American Economic Review”.
On n’a absolument pas besoin de la libre circulation des personnes pour protéger les salaires et garder les mesures d’accompagnement. Ce n’est pas lié.
C’est faux ! La loi fédérale sur les mesures d’accompagnement le précise clairement (art. 15, al. 2) : Le Conseil fédéral fixe la date de l’entrée en vigueur de la présente loi; celle-ci a effet aussi longtemps que l’Accord du 21 juin 1999 entre, d’une part, la Confédération suisse et, d’autre part, la Communauté européenne et ses États membres, sur la libre circulation des personnes.
La résiliation de la libre circulation des personnes entraînerait ainsi automatiquement la fin des mesures d’accompagnement protégeant les salaires en Suisse.
Pourquoi l’UE ne voudrait pas renégocier ? Il faut dire que les six autres accords bilatéraux I sont à l’avantage de l’UE. L’UE n’a aucun intérêt à ne pas renégocier.
Le marché intérieur de l’Union européenne fonctionne bien parce que les mêmes règles s’appliquent aux 32 pays qui le constituent. Si chacun de ces 32 pays devait négocier un accord d’accès au marché spécifique à chacun des 31 autres pays, alors le commerce en Europe serait régulé par 496 arrangements différents plutôt qu’un seul.
Les États-membres de l’UE n’ont donc aucun intérêt à remettre en question le fonctionnement du marché intérieur. La Suisse non plus. Le socle du marché intérieur repose sur l’indivisibilité des quatre libertés fondamentales - dont la libre circulation des personnes est la plus importante.
Du point de vue des exportations, les accords bilatéraux sont de la “gnognotte”.
Deux études (BAK et Ecoplan) de 2015 montrent que la résiliation des accords bilatéraux I suite à l’activation de la clause guillotine aurait des conséquences négatives majeures sur la prospérité suisse.
En 2035, le PIB serait de 4.9% inférieur sans les bilatérales I. Cette “gnognotte” représente en fait des dizaines de milliers d’emplois, qui passeraient à la trappe sans les accords bilatéraux. Sans parler de la diminution des salaires, qui concernerait bien plus de monde encore.
Cela fait trois ans que l’UE implore le Royaume-Uni de négocier des accords sectoriels comme ceux que la Suisse a avec les accords bilatéraux I.
Cette affirmation a constamment été démentie par les faits durant les négociations du Brexit. Pas plus tard qu’il y a quelques jours, un haut-fonctionnaire britannique cité par le Guardian indiquait que l’UE n’était pas favorable à un arrangement “à la Suisse” pour le Royaume-Uni.
La reconnaissance des normes techniques ne diminue les coûts à l’exportation que de 0,5% à 1%. Ce n’est pas critique dans l’accès au marché intérieur européen.
Il ne s’agit ici que d’une moyenne, biaisée par les grandes entreprises. Pour ces dernières, les coûts supplémentaires liés à l’absence de la reconnaissance mutuelle des normes techniques seront relativement peu élevés du fait des économies d’échelles (leurs grands volumes d’exportations rend les coûts supplémentaires des certifications comparativement plus faibles).
Pour les PME en revanche, les coûts seront beaucoup plus élevés et souvent insupportables économiquement. Ces coûts supplémentaires mèneront quasi-assurément à des délocalisations au sein de pays de l’Union européenne.
Ce reportage illustre l’importance vitale de l’accord bilatéral sur les obstacles techniques au commerce pour de nombreuses PME.
La directive européenne sur la citoyenneté est liée à l’accord sur la libre circulation des personnes.
La directive “sur la citoyenneté européenne” constitue une évolution du droit de la libre circulation des personnes. L’accord sur la libre circulation des personnes, sous sa forme actuelle, n’oblige pas la Suisse à reprendre l’évolution de ce droit. C’est la raison pour laquelle le Conseil fédéral a décidé de ne pas incorporer cette directive dans le droit suisse.
On ne vote pas sur les bilatérales, on vote sur l’immigration. Je sais qu’il y a la clause guillotine, mais il ne faut pas faire ce raccourci tout de suite.
Si la Suisse résilie l’accord sur la libre circulation des personnes, le choix de conserver ou non les autres accords bilatéraux I n’appartiendra pas à l’UE. Ceux-ci seront automatiquement résiliés, même si l’UE ne le souhaite pas. C'est ce que prévoit la clause guillotine. Il est dit (Art. 25, par. 4 ALCP) : "Les sept accords (...) cessent d'être en vigueur six mois après la réception de la notification (...) de dénonciation (...)".
Cette clause guillotine est donc automatique. Sans qu'aucune autre action de la Suisse ou de l’UE ne soit possible.