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NON à l’interdiction de la burqa le 7 mars

NON à une attaque contre les droits fondamentaux !


L'interdiction de la burqa va à l’encontre d’une constitution libérale, de l'autodétermination des femmes et d’une société plurielle. L'interdiction est ici illibérale et constitue une intrusion injustifiable dans les libertés individuelles. Elle est paternaliste, contraire aux droits fondamentaux et remet en cause notre constitution libérale en tant que telle. L'interdiction de la burqa mène à la politisation du corps des femmes, est dirigée contre une minorité religieuse et relève d’une compréhension extrêmement problématique de la liberté de conscience et de croyance. Nous nous opposons à cette attaque fondamentale contre les acquis libéraux et constitutionnels.

L'interdiction de la burqa va à l’encontre des droits fondamentaux définis dans notre Constitution : la liberté personnelle, la liberté de conscience et de croyance, l'égalité devant la loi et l'interdiction de la discrimination. Ces restrictions de droits fondamentaux ne peuvent être justifiées dans la société ouverte et libérale qui est la nôtre, et cela ni par des arguments d'égalité ou de sécurité publique, ni par une vague notion de "vivre ensemble". L’interdiction générale du voile intégral ne répond à aucun intérêt public prépondérant et n’est pas proportionnée, or ce sont là deux conditions préalables indispensables à toute restriction des droits fondamentaux.

Chacune et chacun doit pouvoir choisir librement la manière dont elle ou il souhaite s’habiller. L’apparence n’est rien d’autre que l’expression de notre liberté personnelle. Ou, comme le dit le philosophe libéral John Stuart Mill :  “La liberté de concevoir un projet de vie et de faire ce que nous voulons sans être dérangés par nos contemporains - tant que nous ne leur faisons pas de mal - et même s'ils pensent que notre conduite est folle, dépravée ou mauvaise”. Ou selon Ludwig von Mises : "Un homme libre doit pouvoir supporter que ses semblables agissent et vivent différemment de ce qu'il croit être juste, et doit perdre l'habitude d'appeler la police dès qu'il n'aime pas quelque chose”. Une société libérale laisse à l'individu le soin de s'habiller et de se comporter comme il l'entend, tant que personne n'est lésé dans le processus. La diversité qui en résulte peut déplaire, mais il n'existe pas de droit à être protégé par l'État contre les rencontres jugées déplaisantes par certain·es.

L'interdiction de la burqa ne se contente pas de restreindre de manière injustifiée les droits fondamentaux garantis par notre Constitution. Elle les remet aussi fondamentalement en question.

Ce nouvel article 10a de la Constitution sera placé au milieu du catalogue des droits fondamentaux, entre le droit à la vie et à la liberté personnelle (article 10) et la protection des enfants et des jeunes (article 11). Une telle interdiction représenterait non seulement une tache sur notre Constitution, mais également une atteinte en son cœur même.  L’interdiction de la burqa remet en cause notre constitution libérale moderne en tant que telle.

Une femme n'appartient ni à l'Etat, ni à la société. Elle doit pouvoir décider par elle-même de la manière dont elle souhaite s'habiller. Toute autre situation relève du paternalisme. Les partisans de l'initiative partent du principe que les femmes, en particulier les musulmanes, ne sont pas capables de décider de manière indépendante de leur apparence et de leur habillement. L'idée sous-jacente selon laquelle les femmes musulmanes doivent être libérées par l'État parce qu'elles ne seraient pas capables d'agir de manière autonome relève d’une vision profondément patriarcale et colonialiste.

L'interdiction de la burqa s’attaque à une minuscule minorité : on estime que seules 20 à 30 femmes en Suisse portent un niqab, et aucune la burqa. La majorité de ces femmes sont socialisées en Occident, ont une éducation moyenne à très bonne et portent le niqab par conviction. La restriction disproportionnée des droits fondamentaux de cette minorité religieuse est inconstitutionnelle. Les droits fondamentaux nous protègent non seulement de la tyrannie d'un gouvernement, mais aussi de la tyrannie sociale imposée par les opinions et les sentiments dominants. Celles et ceux qui pensent que l'interdiction des minarets ne sera suivie que par une interdiction de la burqa se trompent : des propositions d'interdiction de la prière et du voile ont déjà été soumises. Si nous refusons à une minorité la protection de ses droits fondamentaux, nous remettons en cause la protection des droits fondamentaux en tant que tels et donc notre État constitutionnel démocratique dans son ensemble.

Dans le débat sur l'interdiction de la burqa, un argument souvent exprimé est que la religion est une affaire purement privée et devrait donc être complètement bannie de l’espace public. C'est non seulement une erreur, mais aussi une conception dangereuse de la liberté de conscience et de croyance. La liberté de religion ne signifie pas être protégé de toute interaction avec des pratiques religieuses dans l’espace public. L'absurdité de ce raisonnement devient évident si l'on imagine, à titre de comparaison, que la liberté d'expression ne s'appliquerait qu'à l'intérieur de ses propres murs, mais pas en public. La Constitution libérale protège les confessions religieuses tout comme elle protège la liberté d'expression et la liberté personnelle en public.


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La liberté de faire ce que nous voulons sans être dérangés par nos contemporains - tant que nous ne leur faisons pas de mal - même s'ils pensent que notre comportement est fou, dépravé ou mauvais.

John Stuart Mill



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Le comité d'initiative part du principe que les femmes, et en particulier les femmes musulmanes, ne sont pas en mesure de décider par elles-mêmes de leur apparence et de leur habillement. L'idée sous-jacente selon laquelle les femmes musulmanes auraient besoin du soutien de l'État parce qu'elles ne seraient “que” femmes et musulmanes est tout à la fois paternaliste, raciste et sexiste.

Les motifs qui poussent une femme à revêtir la burqa ne regardent personne d'autre qu’elle-même. Et dans les cas où ces motifs relèveraient d’une contrainte imposée par la famille ou l’environnement, des possibilités d’intervention existent déjà. Les organisations intervenant dans ces situations soulignent qu'une interdiction de la burqa aggraverait la situation de celles qui sont réellement contraintes de porter ce vêtement. En cas d'interdiction, ces femmes se retrouveraient selon toute vraisemblance encore plus isolées et n'auraient plus accès à des services de soutien extérieurs. Aujourd'hui, le fait de forcer quelqu'un à porter une burqa est déjà un délit.

En réalité, pratiquement aucune femme ne porte de voile intégral en Suisse. Selon une étude récente d’Andreas Tunger-Zanetti, elles ne seraient qu’entre 20 et 30 à porter le voile intégral. La majorité des femmes portant un voile intégral et pouvant être aperçues en Suisse sont de riches touristes de la région du Golfe qui ne passent que peu de temps dans le pays et constituent une source de revenus importante pour l'industrie du tourisme. Le problème est inexistant et l’initiative relève de la politique symbole inutile (mais loin d’être inoffensive).

Les cantons ont déjà interdit le port de la cagoule, et cette interdiction entre en vigueur dans les situations où la sécurité est en jeu, par exemple lors de grandes manifestations et d'événements importants. Une interdiction du port du voile intégral est donc absolument superflue du point de vue de la sécurité. Cette initiative ne vise en réalité que la burqa et donc la stigmatisation de l'Islam.

Les partisans aiment prendre la France et la Belgique comme modèle en raison des interdictions de port du voile existantes. Mais cette comparaison est tout aussi inutile que l'arrêt tant vanté de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). En effet, la Cour ne parvient pas à justifier de l’existence d’un intérêt public prépondérant pouvant légitimer une interdiction. Elle rejette les arguments d'égalité et de sécurité, et accepte l'interdiction du voile intégral uniquement sur la base de vagues "exigences minimales de coexistence", au nom desquelles elle considère que les droits et libertés des tiers sont violés par le port de la burqa. Cet argument est dangereux car, sur cette base, l'homosexualité pourrait aussi être interdite en Russie. Cela démontre simplement que la Cour accorde aux États une large marge de manœuvre, mais pas que la décision était correcte ou même sensée, encore moins libérale. Ce n'est pas parce qu'une décision n’est pas interdite par le droit international que nous devons la prendre.

Les initiants font également référence aux interdictions du port du voile dans les pays à majorité musulmane, mais ces interdictions ne concernent ni l'égalité, ni l'intérêt public, mais bien des jeux de pouvoir : L'État veut déterminer ce qui est islamique et ce qui ne l'est pas, et utilise l'interdiction pour lutter contre d'autres groupes politiques. Aucun État démocratique libéral ne devrait fonder sa constitution sur des gouvernements de putschistes militaires (Égypte), de dictateurs (Syrie) et de ceux dont les stratégies de préservation du pouvoir sont douteuses (Turquie, Tunisie).

L'interdiction de la burqa a divisé le féminisme pendant des années. Il s’agit d’une question controversée. Dans certains contextes, le voile peut être un symbole de l'oppression des femmes et peut donc être rejeté pour de bonnes raisons (mais pas automatiquement interdit). Le débat sur la burqa représente toutefois une nouvelle politisation du corps des femmes, que les gens veulent choisir de cacher ou de révéler par la loi. C'est pourquoi de nombreuses féministes libérales et organisations de femmes estiment que l'autodétermination des femmes doit être au centre du débat. Leur liberté n'est pas préservée lorsque les femmes qui portent la burqa sont dépeintes comme des criminelles et isolées chez elles. De nombreux refuges pour femmes et organisations d'aide aux victimes sont également opposées à une interdiction. Vouloir "libérer de force" les femmes est non seulement contradictoire, mais c’est aussi l’expression d’un paternalisme féministe.

Le port du voile intégral est comparable à la prostitution : d'un point de vue féministe, il est problématique et précaire à bien des égards et dans de nombreux contextes, mais rares sont celles ou ceux qui pensent qu'une interdiction est la meilleure solution pour les personnes concernées. Le fait que l'initiative populaire émane du Comité d'Egerkingen, mouvement proche de l'UDC, ne rend pas très crédible l'affirmation selon laquelle leurs préoccupations sont les droits des femmes.

Dans une société libérale, vous décidez vous-même de ce que vous montrez. Ce qui compte, ce n'est pas ce que nous aimerions voir, mais les libertés de l'individu. Un droit de voir impliquerait une obligation de montrer, ce qui est problématique et s'appliquerait alors également aux lunettes de soleil ou à la barbe fournie. Aucune loi ne nous dit comment nous devons nous promener en public ni ce que nous devons montrer, tant que nous ne faisons de mal à personne. Et c'est bien ainsi.

Premièrement, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, ce n'est pas l'État, les autorités ou le public qui déterminent ce qui appartient à une religion et ce qui n'y appartient pas, mais les personnes concernées. Si une femme souhaite se couvrir le visage pour des raisons religieuses, cela est couvert par la protection de la liberté de conscience et de croyance. La Cour européenne des droits de l'homme a également jugé que c'était le cas. La portée de la protection de la liberté de conscience et de croyance imploserait si d'autres personnes étaient autorisées à déterminer pour moi ce qui fait partie de ma religion et ce qui n'en fait pas partie.

Il n’est finalement pas si important de savoir si cela fait partie de la liberté de conscience et de croyance ou non. Il s’agit également d’une manifestation de la liberté d'expression ou de la liberté personnelle. Dans les deux cas, il s'agit d'une limitation de la liberté et des droits fondamentaux de l'individu qui ne peut être justifiée. Car un voile sur le visage n'empiète pas sur la liberté des autres.

Nous ne sommes pas POUR la burqa, nous sommes CONTRE une interdiction et POUR la liberté - il y a une grande différence. Prenons la liberté d'expression à titre de comparaison, et pensons à la célèbre citation attribuée à Voltaire : "Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire". Ou la définition de la liberté pour John Stuart Mill : "La liberté de concevoir un plan de vie et de faire ce qui nous plaît sans être dérangé par nos contemporains - tant que nous ne leur faisons pas de mal - même s'ils pensent que notre conduite est folle, dépravée ou mauvaise". Nous nous opposons à une interdiction quand bien même nous rejetons la burqa.

Le contenu du contre-projet est problématique pour deux raisons : premièrement, il ne mentionne l'égalité et les droits des femmes que dans le cadre de l'intégration et de l'aide au développement, reproduisant ainsi la fausse image des initiants selon laquelle les femmes migrantes et les femmes musulmanes en particulier sont particulièrement dépendantes de l'égalité. Et deuxièmement, un contre-projet sous-entend toujours que l'initiative reprend une préoccupation justifiée et qu’il y a un problème à résoudre. Ce n'est tout simplement pas le cas de cette initiative, qui ne sert qu'à attiser le sentiment islamophobe.

Il est compréhensible qu'une femme entièrement voilée en Suisse provoque un malaise ou soit même perçue comme une provocation. Mais cela s'applique également à de nombreuses autres formes de vêtements et d'expression. Où en serions-nous si nous interdisions tout ce qui cause ou provoque un malaise ? Être autorisé à déplaire est une exigence de base d'une société libérale. Nous devons adhérer au principe de liberté et de préjudice de John Stuart Mill : l'homme est libre tant qu'aucun tiers n'est lésé ou ne voit sa liberté restreinte.

Il s'agit là d'une conception non seulement erronée mais aussi extrêmement dangereuse de la liberté de conscience et de croyance : la liberté de conscience et de croyance ne signifie pas être protégé contre toute rencontre avec des pratiques religieuses dans l'espace public. L'absurdité de ce raisonnement devient évidente si l'on imagine, à titre de comparaison, que la liberté d'opinion ou la liberté personnelle ne s'appliquerait qu’entre ses propres murs, mais pas en public. Tout comme la Constitution libérale protège la liberté d'expression et la liberté personnelle en public, elle protège également les confessions religieuses.

Il y a autant de significations liées au niqab qu'il y a de niqabs. Les motifs, la signification et le symbolisme du voile sont multiples et ne doivent pas toujours être compris comme une expression de l'Islam politique ou fondamentaliste. Selon les recherches actuelles, les femmes voilées citent, par exemple, l'examen de leur propre identité, de leur religion et de leur foi, la piété personnelle ou le désir de ne pas montrer leur apparence en public comme motifs du port du voile. Dans une société libérale, le voile intégral lui-même devrait être protégé en tant que forme d'expression d'une attitude extrémiste ou fondamentaliste, tant que personne n’est lésé. De la même manière, la "Marche pour la vie" fondamentaliste (religieuse) et ses revendications extrémistes d'abolition du droit à l'avortement n'est pas interdite. L'État libéral interdit les crimes, pas les attitudes ou les symboles.

L'idée que la majorité détermine les normes en vigueur auxquelles toutes et tous doivent se soumettre est une idée autoritaire et non libérale. Dans une société libérale, ce sont précisément les opinions et les comportements qui s'écartent de la norme qui sont protégés par les droits fondamentaux, et il faut de bonnes raisons pour pouvoir restreindre ces droits fondamentaux. En bref, ce n'est pas parce que certains pays rendent le voile obligatoire que nous devons l'interdire - les deux sont autoritaires. Les femmes n'appartiennent ni à l'État, ni à la société.

Penser que les initiants sont avant tout préoccupés par les hooligans est à peu près aussi crédible que leur prétendu combat pour les droits des femmes. En fait, le comité d'Egerkingen, qui a déjà lancé l'interdiction des minarets, a pour seul  objectif la stigmatisation de la minorité musulmane en Suisse. Il est vrai que l'interdiction du voile intégral est formulée en termes généraux, de sorte que son orientation discriminatoire est moins évidente. Mais le résultat est qu'à l'avenir, les mascottes commerciales ou les costumes d'Halloween seront interdits au même titre que le voile intégral, car aucune exception n'est prévue pour eux. Enfin, à l'avenir, la police devra nous indiquer qu’il fait suffisamment froid pour avoir le droit de se couvrir le visage avec une écharpe.

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